Salutation à tous,
Voici un scénario que j’ai écrit pour l’illustrer par mon art graphite. Mon univers se dessine autour de cet environnement, celui que je peux côtoyer au quotidien. Ce dernier qui s’affiche et se déforme dans un esprit vagabond.
Merci pour votre lecture, c’est un partage qui me tient à cœur.
Coquelicot sombre
Droits de reproduction et de diffusion réservés © 2004 Artemis
Les dresseurs de balles
(Italique = pensée)
Scène : Rue de quartier, tour réceptrice, plaque abandonné, début d’après midi, ciel bleu.
Personnages : Olea, dresseurs de balles.
Le soleil est déjà haut dans le ciel, la deuxième heure approche, mais la fraîcheur des lieux ne lui accorde pas cette distinction. Quelques nuages blancs passent, flânent entre eux, sans se soucier du monde qu’ils surpassent de leur légèreté. Le vent, léger, pousse les arbustes dans une danse suffisamment rythmée pour attirer le regard des rares passants. La rue, longée par des murets de pierres, ne peut être flattée par son entretient. La route est perforée de part et d’autres de plantes rebelles. Brisée, défigurée, elle reflète à merveille l’usure du temps. Les petits trottoirs, eux, ne sont guère en meilleur état, si ce n’est pis encore. De nombreux graviers les parcourent de long en large, comme si ce lieu leur revient de droit.
Plusieurs maisons riveraines sont désertées depuis un certain moment, abandonnées de tout intérêt. Seul leur jardin affiche une certaine activité. La verdure a agrandie son aire de jeu, dévastant les constructions humaines pour les assimiler à leur progression. Les arbres se penchent davantage vers la rue, pour recouvrir de leur superbe cette espace encore inexploré. Les murs, débordés par cette nature contraignante, ne paraissent plus que ridicules. Les pierres, dont ils sont formés, s’effritent de plus en plus, et parfois même se détachent pour s’écraser sur le sol déjà suffisamment agressé par de multiples assaillants.
La jeune femme s’approche sans grande motivation vers une petite tour grise. Baladant son regard vers le sommet de cette dernière, se protégeant le visage du soleil qui disparaît et réapparaît derrière les timides nuages. Elle s’arrête devant le portail, qui ne s’apparente plus qu’à du métal rouillé et vulgairement recouvert d’une peinture verte foncée. Ses cheveux étrangement blancs et courts, caressent son visage lisse et harmonieusement maquillé. Derrière des lunettes légèrement teintées, ses yeux gris se plissent et scrutent le piteux édifice avant de se fermer un instant. Ses vêtements affichent une certaine esthétique, rassemblant les éléments pour attirer l’œil peu accoutumé à un tel style moderne. Une robe à rayures noires et blanches suffisamment moulante pour laisser imaginer ce qu’elle cache, une petite veste ne descendant pas plus bas que sa poitrine, des collant étrangement ciselés et des bottes souples aux motifs zigzagants avec ses chevilles.
Olea :
Je fais des études en art numérique, et on m’envoie dans une vieille tour abandonnée. Leur logique m’étonnera toujours. Quel stage lamentable.
En ouvrant le petit portail grinçant, la jeune femme aperçoit une feuille sur la porte métallique de la tour, scotchée, flottant dans l’air dans un chant de papier froissé. S’approchant davantage, elle peut déchiffrer la quasi illisible écriture.
Olea :
Nous sommes arrivés un peu en avance, alors rejoint nous derrière la tour, sur la plaque.
Mmh ! Ça ne doit pas être pour moi.
Olea, n’écoutant que sa curiosité, décide de tourner les talons et de remettre à plus tard son travail. Elle se dirige sur sa droite, vers un petit chemin de graviers qui contourne la tour de pierres grises. Passant à côté d’un étrange mur de pylônes plats parallèlement disposés de biais. Celui-ci se termine contre un autre mur perpendiculaire, aussi haut que sale. Derrière la tour, et au centre de cette muraille, se trouve un escalier montant jusqu'à une plaque de béton recouvert d’herbes et d’autres mauvaises plantes.
A peine sa tête dépasse la surface de cette plaine, que la jeune demoiselle entend et distingue des danseurs un peu plus haut sur sa droite.
Ils sont groupés sous un arbre, dansant, riant, chantant et jouant d’instruments harmonieux. Leur hymne à la joie retentit sur toute la plaine, faisant vibrer les feuilles de l’arbre. Les trois étranges personnages debout, dansent une chorégraphie énergique. Munie de plusieurs balles, ils les font virevolter sur eux-mêmes, se les transmettant des uns aux autres en les laissant rouler sur leurs membres en mouvements. Leur souplesse reflète avec virtuosité le chant des deux jeunes femmes assises côte à côte. Les trois musiciens jouent de multiples instruments, que ce soit à cordes, à percussions ou à vent. L’harmonica survole le battement des frappes cinglantes du percussionniste, qui donnent le rythme aux vibrantes claques du guitariste.
Olea reste bouche bée, le spectacle la rend admirative, passionnée par cette envoûtante musique. Soudain, dans un son strident accompagné d’un vent glacial, la jeune femme se retrouve face au mur, derrière la tour. Les escaliers ont disparus, et la musique s’est dissoute dans l’ombre du bâtiment, ne laissant qu’un sifflement étrange. Sans vraiment comprendre ce qui vient de ce passer, Olea se retourne, la tête perdu dans des réflexions méritées. Levant les yeux, elle aperçoit furtivement, le temps d’un battement de paupières, une jeune femme au cheveux noirs entrain de la fixer froidement. Une fois de plus, un phénomène étrange la ramène vers une incompréhension totale. Mais tout ceci ne semble pas réellement l’affecter, son visage reste réfléchi et serein.
Olea :
Cet endroit me donne la chair de poule.
Je préfère partir, tant pis pour le stage.
Au moment où Olea commence à s’avancer pour quitter ce lieu énigmatique, le décor se met à s’assombrir. Puis la lumière disparaît, la laissant dans la pénombre. Figée, pétrifiée de peur, elle n’ose plus bouger.
Olea tremblotante:
J’ai peur…
Une respiration glacée dans sa nuque la fait sursauter et crier. La jeune femme, le visage pali par la terreur, se retourne d’un bon et revoie, à quelques centimètres d’elle, la mystérieuse personne aux cheveux noirs. Elle la fixe de ses yeux sombres, profonds et terrifiants. Sans prévenir, cette dernière attrape les deux bras d’Olea qui se crispe aussitôt, et avance sa tête en ouvrant grand la bouche et en poussant un cri strident.
La jeune femme s’approche sans grande motivation vers une petite tour grise. Baladant son regard vers le sommet de cette dernière, se protégeant le visage du soleil qui disparaît et réapparaît derrière les timides nuages. Elle s’arrête devant le portail, qui ne s’apparente plus qu’à du métal rouillé et vulgairement recouvert d’une peinture verte foncée. Ecartant les yeux, elle se retourne et scrute le décor.
Olea :
J’ai comme une impression de déjà-vu.
Artemis
(Mai Deux mille quatre)