Suit une oraison funèbre rédigée par Antigone et moi-même, afin de rendre hommage aux nombreux lapins morts pour la science lors des TP destinés aux étudiants vétérinaires...
Hommage aux lapins morts pour la science du TD de physio des D1…
Co-écrit par Amandine DEBLIR et Guillaume VANHOVE.
Salle de TP de physio. Lumière blanche et crue. Reflets menaçants d’instruments chirurgicaux. Le barbare s'approche calmement, seringue à la main.
Le Barbare :
« Ola, maître lapinou!
Que vous me semblez beau, que vous me semblez doux ! »
Le Lapin :
« Barbare ! Barbare ! Que tu as de grandes aiguilles! »
Le Barbare :
« C´est pour mieux abréger ton souffle et ta vie! »
Le Lapin :
« Barbare ! Barbare ! Que tu as de grands scalpels! »
Le Barbare :
« C'est pour dilacérer tes chairs tendres et frêles! »
Le Lapin :
« Barbare ! Barbare ! Que tu as de grands cathés! »
Le Barbare :
« C'est pour mieux t'injecter ces drogues si variées! »
Sur ces dires, le barbare enfile ses gants de latex, anesthésie le lapin, et, transfiguré, entame sa sinistre besogne.
Le Barbare :
« Voilà ! Le sang jaillit en ruisseaux écarlates !
Un dernier soubresaut de tes petites pattes :
L´expérience commence; l´expérience finit,
Au terme de sept heures où l´on joua ta vie… »
Les professeurs de physio et les assistants forment les chœurs :
Les Chœurs :
« Pendant que ton bourreau lui, était à la fête,
Tu gisais, innocent, victime au poil si doux...
Mais dans ce monde où même les vétos sont fous
Il n'y a pas de place pour les petites bêtes... »
Le Barbare :
« C'est le sourire aux lèvres, mon pauvre animal,
Que j'instille en tes veines, ce KCl létal!
Déjà ton coeur faiblit, déjà ton coeur s'arrête,
Et voilà que d'un coup, tu n'es plus, pauvre bête! »
Nettoyant ses outils, le barbare s'interroge:
Le Barbare
« Et bien, s'en est fini, de ce pauvre lapin...
Maintenant que j'y pense, était-ce un mal ? Un bien ?
Voici que l'air me manque, voilà que je suffoque...
Ce ne sont pas des choses, qu'on fait à notre époque !
Est-ce moi qui, cruel, ai tué l'animal ?
Ô funeste destin! Expérience fatale! »
Le barbare, désespéré par son geste, sort de la salle où il vient de tuer un innocent (levant les yeux au ciel) :
« Je l´ai fait ! Honte à moi ! Je suis un assassin !
Le destin du lapin était entre mes mains !
De quel droit ai-je pris la vie de cette bête ?
Suis-je un Dieu ? Un démon ? Je doute, je tempête !
Mais je n´ai pas voulu, ou pas pu le sauver !
Pourrais-je encore rire sachant que j´ai tué ? »
Après cette tirade émouvante, le barbare se prend la tête dans les mains. Arrive l´âme du lapin :
L’Âme du Lapin :
« Qu´as-tu fait malheureux ! Que te dis ta conscience ?
Ma vie n´a pas de prix ? Mon âme, d´existence !
Malheur à toi, véto, d´avoir pu oublier
Que chaque vie mérite d´être considérée! »
L´âme du lapin quitte la scène sous les gémissements redoublés du barbare. Celui-ci, interloqué, se rappelle sa vocation première:
Le Barbare :
« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô scalpel ennemi !
N'ai-je donc tant vécu, que pour cette infamie ?
Moi qui voulais cent fois, sauver les animaux
Voilà que j'assassine ! De grâce ! C'en est trop... »
Arrive la fiancée du barbare ; ce dernier se précipite vers elle.
La Fiancée :
« Non ! Ne me touche pas ! N´approche pas ta main
Vile et tachée de sang de mon cœur, de mon sein !
Comment ai-je pu aimer cet être méprisable
Qui, en tuant de sang froid, s´est rendu coupable ! »
Le Barbare :
« Maintenant que j'y pense c'est inconcevable !»
La Fiancée :
« Je gémis en pensant aux étreintes passées ;
Je frissonne de honte aux émois envolés… »
Le Barbare :
« Mais ce sang qui me tâche tu peux le laver!
Et ce funeste sort, nous pouvons l'oublier ! »
La Fiancée :
« Non…
Telle Lady MacBeth au crime irréparable,
Tes mains resteront sales ! Tu n´es plus qu´un coupable !
Hors de ma vue, ma honte ! Je m´en vais t´oublier
Sous des cieux purs et frais, où l´âme peut voler ! »
La fiancée s´en va sans un regard en arrière. L'âme du funeste lapin revient :
L’Âme du Lapin :
« Désormais tout amour te sera interdit !
Avons-nous déjà vu, un assassin épris ?
Le cœur léger d'amour, l'âme chargée de sang ?
Tu n'en es pas capable : tu n'es qu'un dément ! »
La mère du barbare arrive.
Le Barbare :
« Ah ! Ma mère ! Ma seule ! Mon unique !
Que me vaut ces tourments ? Ne sont-ils pas tragiques ?
Reprends-moi dans tes bras, tu le faisais naguère,
Pour éponger d'un coup, ces larmes trop amères... »
La Mère :
« Je ne suis pas plus mère que tu n´es innocent
Ô Douleur de ma chair ! ô cancer de mon sang !
Ta seule vue m´exècre et me met au supplice :
Telle que tu me vois, je n´ai pas eu de fils ! »
La mère sort. Fondu au noir sur le véto désespéré. Les chœurs entonnent dans l’obscurité, sur un air triste :
« Tu mourus un Mardi, pauvre petite bête !
Innocent massacré sur l´autel de la science !
La vie est trop injuste, Lapin, quand on y pense.
Mais il est des vétos que jamais rien n´arrête ! »
Rideau.