L'ennui, c'est que c'est vraiment pas long...
J’avais, trois ans auparavant, décidé d’aller en Grèce. Le voyage promettait de grandes découvertes : l’histoire de l’Acropole d’Athènes, les croyances des Grecs anciens…
Ce jour-là, j’étais avec mon guide, spécialiste de la mythologie Grecque. Il me demanda mon nom.
-Tatiana Kelfer.
Nous nous trouvions sur les ruines de l’Acropole. C’était magnifique. Il restait trois de six caryatides de l’Erechthéion, usées certes, mais toujours en place. Je n’arrivais pas à croire que j’étais en train de marcher sur le Parthénon, le temple-même dédié à la Déesse Athéna, protectrice de la ville d’Athènes. Je regardais au-dessus de moi, émerveillée, excitée comme une gamine qui découvre ses cadeaux de Noël.
-Comment est née cette mythologie ? demandai-je, curieuse.
-Les hommes de l’Antiquité étaient peu en mesure de s’expliquer le pourquoi des choses. La force du vent, de la foudre, du tonnerre, le feu des volcans, l’altitude imposante de certaines montagnes les remplissaient de stupéfaction et d’épouvante. Comme ils n’en avaient aucune explication scientifique, ils étaient tout naturellement portés à croire ces forces déclenchées par des esprits invisibles et beaucoup plus forts qu’eux. Ils ont donc imaginé l’esprit du vent, de la foudre, du tonnerre, des montagnes, de la mer…
-Mais pourquoi cette vénération de ces esprits ?
Le guide me répondit avec patience :
-L’homme est, par sa nature, enclin au respect de ce qui le surpasse. Ces esprits faisaient éprouver de la terreur et de la vénération, ils étaient considérés comme de véritables divinités. Le sentiment religieux qui « relie » l’homme à la divinité se forma donc peu à peu.
J’écoutais avec passion les paroles de mon guide. Il me racontait maintes légendes sur les Dieux de la Grèce ancienne, m’entourait des croyances de leurs ancêtres. Ses récits étaient plus incroyables les uns que les autres. Ainsi j’appris que durant la guerre de Troie, les Dieux de l’Olympe suivaient avec intérêt le déroulement des opérations. Il leur arrivait même de descendre sur le champ de bataille et de prendre parti pour les uns ou les autres ; Héra, Athéna et Poséidon s’étaient rangés du côté des Grecs tandis que Arès, Aphrodite et Apollon avaient préféré soutenir les Troyens. J’appris également que les jumeaux Artémis et Apollon étaient nés sur l’île de Délos, de leur mère Léto et de leur père Zeus. Héra, jalouse, avait même tenté de tuer Léto.
Vint l’heure du déjeuner. Mourant de faim, je m’installai sur les ruines tout en continuant de les contempler. Mettant soigneusement tous mes déchets dans un sac plastique, un coup de vent vint néanmoins perturber cette attention ; un papier s’envola et alla se poser près des caryatides. Le guide observa le ciel d’un air inquiet ; il s’était mis à faire beaucoup plus sombre, subitement. Des gouttes commencèrent à tomber et des éclairs transpercèrent le ciel. Je n’avais jamais vu ça : un orage plus violent que jamais se mettait à éclater, alors que quelques minutes auparavant un soleil éblouissant nous réchauffait. Et la rivière à proximité se mit à faire quelque chose d’étrange ; un tourbillon surgit, puis un autre, et encore un. Des geysers d’eau brûlante se mêlant à la pluie et aux grêlons glacés se produisirent dans un vacarme effrayant. Alors que nous voulûmes aller nous réfugier dans la forêt, les arbres s’agitèrent, et des flèches furent tirées de nulle part. Nous retournâmes donc près des ruines, loin des flèches affolées mais plus près des geysers. Le ciel était plus sombre et inquiétant à chaque seconde. Les nuages se mettaient à tourner, comme pour annoncer une tornade, et le vent s’intensifiait, devenait de plus en plus violent. Le guide intervint alors :
-Va ramasser ton papier ! hurla-t-il dans le vacarme.
Il montra du doigt les caryatides. Etonnamment, malgré le vent infernal et les trombes d’eau, mon papier n’avait pas bougé d’un millimètre. Intriguée, je m’efforçai d’affronter le temps pour aller le ramasser. Après des minutes d’efforts, je l’atteignis enfin. Je tendis le bras, ouvris la main, effleurai le papier, et enfin le ramassai. Et là…
Plus rien. Le soleil était revenu, aussi chaud qu’avant, la rivière s’était calmée, les arbres avaient cessé de s’agiter, plus aucune flèche n’était tirée dans la forêt. Je restais là, penchée, le papier à la main. Bouche bée, je regardais le ciel. D’un bleu azur, sans aucun nuage, il laissait sourire un soleil éclatant.
Je me redressai. Je rejoignis le guide qui s’était rassit, serein, et mis le papier dans le sac que je fermai solidement.
-Que s’est-il passé ? demandai-je alors que je m’étais à mon tour assise.
-Tu as profané le temple de la Déesse Athéna. Zeus a déclenché la foudre, la tempête. Poséidon a réveillé l’eau, et Artémis nous a chassés de l’abri.
Je regardai mon homme d’un air interrogateur. Il croyait donc encore à toutes ces légendes, ces mythes ? J’allais le lui demander, mais il me jeta un regard grave. Puis, après un long moment de silence :
-Tu as réveillé la colère des Dieux, étrangère !
Je regardai encore le ciel, d’instinct. Là, je vis une tête qui me cloua sur place : celle de Zeux, qui disparaissait.