Ni roman, ni nouvelle, ce texte se veut surtout carnet de voyage, récit par épisode d'une quête estivale. Je ne sais pas dans quel ordre seront au final les morceaux mais je vous mets les premiers.
Et je vous préviens, je suis avide de commentaires car je n'ai jamais fait un truc pareil.
Le 2 août
C’est Jeanne qui a voulu commencer à conduire. Elle était tellement excitée à l’idée de partir que nous n’avons pu la retenir. Je mourrais d’envie de conduire aussi mais tant pis, mon tour viendra plus tard. C’est vrai, nous apprécions toutes les deux rouler au lever du soleil sur de longues routes, voir les paysages et les couleurs changer, et se sentir en chemin vers un nouveau monde, au moins pour quelques jours, quelques heures.
Il est 5h, le rose et le bleu chatoient dans le ciel. Nous sommes fatiguées mais l’excitation l’emporte. Autour de nous, le monde s’étire avant de commencer sa journée, les marchés se déroulent, les réverbères s’éteignent. Nous avons mis notre musique la plus entraînante dans le lecteur et nous chantons à tue-tête pour tenir Jeanne éveillée. C’est drôle, j’ai attendu ce moment du départ, des premiers kilomètres pendant longtemps et j’ai l’impression de ne pas pouvoir tout saisir, de ne pas vivre complètement ces sensations. Pourtant je le sais, les vacances sont là. Nous allons passés deux semaines en Croatie, nous avons préparé notre voyage pendant plusieurs jours en y mettant toute notre énergie. Toutes les trois, nous avons besoin de partir, pour mille et unes raisons que nous ne nous dévoilons pas.
Premier arrêt sur une aire d’autoroute pour le petit déjeuner. Nous enfilons café et croissants sans dire un mot, entre fatigue et émotions. Nous sommes encore pleines de nos repères du quotidien. Le trajet commence à peine
Voilà trois jours que nous sommes en Croatie, après un voyage de deux jours par le nord de l’Italie et ces capitales romantiques, Vérone et Venise. C’est à Split que nous avons commencé notre séjour dans ce pays. Il y fait beau, les touristes courent les rues et les hôtels ont remplacés dans les vieilles villes les demeures des habitants. Rien, rien dans le paysage, le comportement des gens ou les villes n’évoque la guerre. Les croates attaquent sereinement le XXI ème siècle avec une envie franche de connaître les plaisirs du tourisme capitaliste.
Nous résidons pour le moment chez un couple dans une petite maison excentrée entourée de mille et une fleurs. Les parfums nous font tourner la tête, les couleurs s’étiolent sous nos yeux dès notre lever. C’est magnifique. Nous sommes enchantées.
Ce matin, nous avons décidé de flâner dans la vieille ville, comme à peu près tous les touristes qui se trouvent actuellement à Split. C’est bien dommage que la ville soit souillée par tant de monde, mais elle est vraiment belle. Des pierres blanches s’entassent pour former des ruelles biscornues et des maisons serrées les unes contre les autres, des colonnes, des places et des églises. Les gens s’abreuvent des indications de leur guide, nous nous laissons porter par ce que les rues veulent bien nous donner : des chemins hésitants, des jardins bien cachés, et un marché aux fleurs. C’est les vacances. On ne pense qu’à vivre sereinement et à oublier.
Le 4 août
- Allez Thomas, bouge-toi putain. Il est déjà 8 heures, on aurait du partir il y a deux heures.
- Oui, oui, c’est bon les gars je me dépêche.
- Qu’est-ce que tu fais encore ? On ne part que pour huit jours. C’est pas la peine de remplir ton sac de ton armoire !
Le voilà qui arrive, les yeux encore plein de sommeil, les cheveux en bataille et le sourire aux lèvres.
- Voilà, je suis prêt. Désolé, je n’ai pas entendu le réveil.
- Je t’avais dit, Ben, qu’il fallait qu’on le réveille trois fois pour être surs.
- Allez, on va pas en faire une montagne. Tout le monde est prêt alors en route pour le sud ! Dubrovnik, nous voilà !
Nous voilà, nous voilà, rien n’est moins sur. La voiture tient à peine la route, nous ne connaissons pas bien le chemin ni la véritable destination mais nous sommes tous les trois mus par une seule idée : trouver la ville de Nova Gina sur l’île de Pag pour assister, dans une semaine, à une fête légendaire. Là-bas, durant deux jours et deux nuits, tout s’oublie, seules la fête et la musique comptent. C’est un événement incroyable où hommes, femme, européens, asiatiques, occidentaux, slaves se trouvent pour porter à travers ces nuits l’esprit de la jeunesse qu’ils sont en train de perdre. Personne ne parle de cette fête officiellement, pas de publicité, pas de site Internet, pas de médias. La rumeur court dans les esprits, c’est une sorte de légende urbaine. Il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Thomas, Ben et moi, nous savons et l’idée nous tente trop pour ne pas y croire. Ce sont peut-être de simples illusions qui vont nous guider durant cette semaine, mais nous avions trop besoin de partir. Quitter nos peaux de l’année pour se libérer pendant quelques jours et revenir plus neufs pour la suite. Si nous y arrivons, tant mieux. Si nous échouons il nous restera au moins la force de notre voyage. Alors nous voilà. Sur la route au moins.