Je poste ici un texte que j'avais déja mis sur ce forum, du temps ou mon pseudo était encore JakOb. Ayant eu une certaine période d'inactivité, me revoila sous un autre nom, mais je préfères ne pas éparpiller mes textes sous trentes six mille signatures.
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Jour 1 :
Qui suis-je ? Ou suis-je ?
Lorsque j’ai pris conscience ce matin, je me trouvais dans une chambre aux murs nus, d’un gris glacial. Pas de porte, juste une fenêtre et encore elle est vraiment haute. J’ai trouvé ce calepin et un crayon dans la taie de l’oreiller, une dizaine de pages sont remplies d’une écriture que je ne connais pas, les lettres sont bizarres. À mieux y regarder, ce ne sont pas des lettres, ce sont des symboles géométriques, une succession de carrés, triangles, cercles, grands, petits, épais, fins. Je n’y comprends rien. Tout est flou dans ma tête.
Je ne sais pas ce que je vais devenir, il me semble que je vais mourir dans cette pièce.
Jour 2 :
Cette nuit, il m’a semblé entendre du bruit par la fenêtre. J’ai hurlé, hurlé toute la nuit, hurlé à n’en plus pouvoir emmètre le moindre son. Mais rien. J’ai eu du mal à trouver le sommeil après ça.
Au réveil, j’ai commencé à faire le tour de ma " chambre ", cinq pas sur huit, un lit et c’est tout. La fenêtre est trop haute. Trop haute. J’ai sauté pour l’atteindre mais tout ce que j’attrape n’est qu’air et poussière. J’ai essayé de prendre appui sur les murs, j’ai retourné le lit, sauté en m’aidant du lit, calé verticalement contre le mur, mais en retombant, tout s’est écroulé et moi avec. Je crois que j’ai plusieurs cotes brisées. Je renonce pour aujourd’hui, mais en me couchant je m’aperçois que j’ai faim, une faim affreuse.
Jour 3 :
Il pleut dehors, j’entends la pluie tomber. Un mince filet d’eau coule par la fenêtre, j’en bois. Elle a un goût étonnant, j’ai l’impression de boire du sable. J’ai mal à la poitrine, cette chute m’a amoché. Je reste sur mon lit à écouter la pluie, je regarde les murs de la pièce. Il me semble voir s’y former des visages dans la peinture. Un rond pâle avec une tache foncée devient un visage sans yeux mais avec une bouche démesurée. Une grande bouche. J’ai faim.
Jour 4 :
Mon ventre crie famine depuis hier et ce matin je n’ai pas trouvé la force de me lever. Je reste là, allongé, à regarder les murs. J’y trouve de nouveaux visages, je m’amuse à en chercher d’autres. J’en ai repéré six : l’espiègle, le sournois, la moqueuse, le triste, la belle ; le dernier a une expression troublante, un visage tordu, grimaçant, menaçant. Il me semble voir une lueur dans ces yeux – non c’est le manque de nourriture et la fatigue qui me jouent des tours – pourtant, pourtant...
Jour 5 :
J’ai de plus en plus faim, je passe mon temps à dormir. J’ai peine à écrire.
Jour 6 :
J’ai faim, je ne pense plus qu’à ça : manger. J’ai essayé de me couper un doigt pour le manger, mais la douleur était insupportable et je suis tellement faible que n’ai même pas réussi à faire couler la moindre goutte de sang. J’ai faim, une faim dévorante. Elle me grignote peu à peu, emporte ma raison.
Jour 7 :
Horreur ! Ils bougent ! Les visages, je suis sûr de les avoir vu bouger. Elle m’a fait un clin d’œil, la moqueuse m’a fait un clin d’œil, je ne peux pas avoir rêvé. Je les fixe, mais ils ne bougent plus. Soudain un éclat lumineux apparaît sur le mur, c’est le soleil qui se réfléchit dans une goutte d’eau. Pourtant il ne pleut pas. Il pleure, lui, le triste, il pleure.
Nuit :
Mon dieu, j’ai été réveillé par un grand cri, un cri atroce, inhumain, cri de douleur. Pourtant j’ai beau tendre l’oreille, je n’entends plus rien.
On m’a appelé, je hurle, j’y mets toutes mes forces. Personne ne me répond.
Jour 8 :
J’entends des voix, encore, je ne sais pas d’où elles viennent.
Ce sont eux. Les visages, ils parlent. Ils parlent.
Le triste me dit que la vie est moche, la belle lui répond que non il n’est qu’un rabat-joie. L’espiègle rigole, le sournois lance des petits regards inquiétant sur le timide. Le visage tordu roule de l’œil, il devient fou, hurle. C’est une véritable cacophonie, je n’en peux plus, ils parlent tous en même temps. Le fou crie, j’en ai mal aux oreilles, je crie aussi pour couvrir sa voix. Je n’y arrive pas, alors il se moque de moi, me dit que je ne suis qu’un peureux, un lâche, un faible. Puis il se jette sur le timide, le dévore. Je me cache sous le lit, je ne veux pas voir ça. J’entends des bruits d’horreur, inimaginables. Les autres crient. Je risque un coup d’œil par-dessus le lit. Effroi ! Je sens que ma raison m’abandonne pour de bon, j’ai du mal à écrire, ma main tremble.
LES MURS SAIGNENT
Calepin trouvé dans une pièce vide, avec seule une fenêtre pour ouverture. Les dix premières pages étaient mystérieusement laissées vierges.