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 Une longue vie de chien

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Vincent C
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Vincent C


Nombre de messages : 49
Date d'inscription : 10/12/2008

Une longue vie de chien Empty
MessageSujet: Une longue vie de chien   Une longue vie de chien EmptyMer 10 Déc à 12:09

Je ne me souviens pas de tous les noms dont on m’a affublé, en fait mes plus anciens souvenirs doivent remonter à ce que vous appelez l’adolescence. Hélas, ce qui me reste de cette époque sont les brimades, les coups et les privations, la faim aussi, la faim surtout, cette faim qui vous rend fou jusqu’à ronger avec les dents la chaîne d’acier qui vous entrave. A cette époque, je ne crois pas que j’avais de nom, ou bien ils ne l’utilisaient jamais, ou alors je l’ai oublié.
Et puis un jour j’ai réussi à m’enfuir, c’est le collier qui a cédé, et en me retournant, j’ai vu la chaîne traîner par terre, comme un long serpent mort. Le monde avait été bien cruel pour moi jusque là mais je ne me souviens jamais avoir voulu mourir, je me souviens au contraire de cette envie, cette rage de rester en vie. J’étais dans le jardin et je devais m’enfuir au plus vite avant qu’un humain ne m’aperçoive. J’ai appris depuis que certains humains sont bons, ils peuvent même se montrer capables de tendresse, mais à l’époque tout ce qui se tenait sur deux pattes était pour moi source de danger. Je parvins à sauter par-dessus le grillage et commençais alors ce qu’il convient d’appeler une vie de chien errant. Ça n’a pas été facile tous les jours, mais entre la faim à laquelle j’étais habitué et le froid, il m’arrivait parfois de croiser des compagnons d’infortune, parfois à quatre pattes, parfois humains, et nous partagions l’espace de quelques heures ou de quelques jours notre profonde détresse, notre mépris du monde et notre amour de la vie.
De tout cela, je ne garde pas des souvenirs très précis, tout juste des sensations, quelque chose de purement physique. Il faut dire qu’à l’époque, ma conscience du monde était très sommaire, et comme je ne pense pas que j’étais capable de réfléchir, il m’a fallut des années, après ce que j’appellerais mon « éveil » pour me remémorer tous ces instants et me les expliquer. Le terme « expliquer » n’est d’ailleurs peut-être pas le plus adapté, mais je ne suis pas sûr qu’il en existe un qui puisse traduire fidèlement ma pensée. Je me souviens avoir été un chien battu par ses maîtres et par les enfants de ses maîtres, c’est un fait que je ne cherche pas à expliquer. En revanche, la conscience d’avoir été un chien battu m’a permis de comprendre qui j’étais réellement. Je n’ai pu vaincre ma crainte des humains qu’après avoir compris que ce que j’avais subi pendant mon enfance n’était pas normal. Ainsi, si je peux me permettre de donner un conseil aux hommes qui me liront ou aux chiens qui auront la chance d’entendre et de comprendre ce que j’écris, s’il a été bon pour moi de chercher à comprendre ce que je ressentais et ce qui me poussait à agir, il aurait été vain d’essayer de comprendre ce qui motivait mon entourage, je pense que cela aurait été au mieux une perte de temps, peut-être même que cela aurait nuit à mon équilibre psychique.
J’imagine maintenant une certaine stupéfaction chez mes lecteurs. Et oui, je suis un chien, et un chien ça n’écrit pas, alors vous devez vous demander comment je peux avoir sur moi ce texte que vous êtes en train de lire.
Pour vous l’expliquer, je dois remonter au jour de mon éveil, c’est arrivé peu de temps après mon évasion, enfin je crois, car à l’époque le temps était pour moi quelque chose de difficile à évaluer. Jusqu’à lors, le monde se limitait à un espace dans lequel je devais prendre en compte les obstacles qui étaient sur mon chemin, et interagir avec les êtres que je pouvais rencontrer. Mes choix étaient alors limités à l’attaque, pour me défendre ou quand j’avais faim, la fuite, pour me protéger, ou le mépris. J’ai presque honte maintenant de reconnaître à quel point j’étais primaire dans ma vision des choses, ainsi que dans mes actions.
Et puis un jour, le monde m’a semblé différent, j’ai compris que ces choses que vous appelez des voitures, n’étaient pas des monstres agressifs et indestructibles, du chemin desquels il fallait s’écarter, mais qu’elles avaient probablement une autre utilité. J’ai compris que la nourriture que je trouvais régulièrement par terre à la fin des marchés n’était pas là sans raison, et que les sons que vous profériez entre vous avaient probablement une signification. En fait, mon éveil remonte au jour où j’ai commencé à me pauser des questions.
Il m’a ensuite fallu du temps pour y trouver des réponses, beaucoup de temps. Et comme depuis je n’ai pas cessé de m’interroger, et que chaque réponse apporte son lot de nouvelles questions, je sais que je n’ai pas terminé. Je dois avouer que les humains m’ont bien aidé. Après avoir compris que les sons qu’ils émettaient n’étaient pas de simples grognements, je les ai beaucoup écoutés et j’avoue qu’ils ont répondu à un grand nombre de mes interrogations. Et puis, je dois aussi avouer qu’après avoir pris conscience de toutes ces nouvelles choses, j’ai eu envie d’un certain confort.
Je suis allé traîner un peu dans les beaux quartiers de Paris pour essayer de m’y faire adopter. J’ai jeté mon dévolu sur un petit garçon d’environ six ans. Ses vêtements laissaient penser qu’il était bien traité et sa mère, un peu inquiète au début de nous voir jouer tous les deux dans le parc finit par me ramener dans la maison familiale. Il y eut une scène assez longue quand le père rentra du travail et découvrit qu’on avait ramené un chien dans l’appartement, mais je savais ce qu’était la violence, et je savais que ça n’en était pas. Mon intelligence me permit de faire quelques tours, pas trop car je ne voulais pas qu’ils se doutent que j’étais si différent des autres chiens, et je me fis accepter rapidement, y compris par le maître de maison. Il va sans dire qu’en plus d’être joueur et patient avec le petit, et légèrement espiègle avec les adultes (ils adorent ça), j’étais bien sûr parfaitement propre.
J’aurais pu rester longtemps dans cette famille, où l’on m’avait surnommé « Pedro » à écouter le petit réciter ses leçons et à regarder la télévision. J’ai beaucoup appris pendant cette période et je crois que j’aurais pu un jour leur montrer que j’étais un chien intelligent tellement ils étaient attachés à moi. Le problème, c’est qu’un autre phénomène se produisit et semblait tous les effrayer considérablement, mon corps changeait.
Je sentais bien qu’il se passait quelque chose d’étrange, et comme je me regardais dans la glace tous les matins, je dus un jour me rendre à l’évidence, j’étais en train de me transformer. Mes poils avaient commencé à tomber et mon museau s’aplatissait. Le jour où mes griffes se décrochèrent, je les cachai discrètement sous le tapis, puisqu’il m’était impossible de les ramasser. Le soir même, je décidais de m’enfuir à nouveau.
Cette fois, le voyage fût plus pénible. Mon apparence m’obligea à me cacher en permanence et je fuis les grandes villes pour errer dans les forêts et les campagnes, afin de trouver de quoi subsister sans trop attirer l’attention. Mes membres s’allongèrent, mes dents tombèrent, pour repousser quasiment plates, mes oreilles rétrécirent et ma queue, elle, avait complètement disparue. Mon périple m’avait mené jusqu’à une région quasi déserte d’Europe de l’Est où j’ai vécu comme un sauvage pendant plusieurs mois. Un jour où je me regardais dans l’eau d’une rivière, je constatai que j’avais pris une apparence humaine, et imberbe avec ça. Après quelques heures à m’égosiller, je parvins à prononcer des mots humains et après m’être encore longtemps entraîné, je parvins à parler normalement. J’ai aussi réussi à me procurer des vêtements dans la poubelle d’une ferme voisine, ainsi que du papier et un stylo. J’écris ce texte que je vais garder sur moi, au cas où il m’arriverait quelque chose. Je ne parle pas la langue du pays et si je raconte mon histoire en français, je risque de finir à l’asile avec peut-être en compagnons de chambrée, comble de l’ironie, des humains qui se prendront pour des chiens. Si j’arrive à rentrer en France et à retrouver ma famille d’accueil, peut-être qu’ils me croiront et m’aideront à continuer mon chemin. Il me reste encore tant de choses à découvrir, mais je ne suis pas sûr que ma nouvelle condition soit désormais la plus adaptée.
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