Absence...
« Que le temps me pèse. Mais qu’il me pèse… Où qu’on aille, on est toujours seul. La Solitude : voici la matrice du monde, la condition d’être. Cependant une lueur brille à l’horizon. La promesse de nos retrouvailles imminentes… Cela fut si long… Sans toi la vie me quitte. Sans toi je ne suis rien d’autre qu’une âme en peine. Et quelle peine. Mais quelle peine…
Evidemment je n’ai pas su attendre le lever du jour. Voici de longues heures que j’ai quitté le lit, et le jour ne se lèvera pas avant des heures encore plus longues. Et plus sombres… La nuit te pleure avec moi. Des quatre coins du monde, jusque derrière ma fenêtre, dans ma chambre obscure, les vampires de la tristesse et de la solitude viennent s’emplir de mes larmes. Alors que la douleur physique est bien souvent provoquée par l’intrusion d’un corps étranger dans la chair, la douleur qui ronge mon âme est quant à elle provoquée par l'absence d’un corps qui m’est si bien connu… Je voudrais sentir ton cœur battre, respirer à ton rythme, entendre tes murmures, combler tes soupirs, effleurer ton regard, mais il faut d’abord… se retrouver…
Encore combien de secondes, combien de spasmes avant de te sentir présente, avant de t’atteindre ne serait-ce que d’un sens ? Entrevoir ta silhouette gracieuse, après les formes dissonantes des vampires soliphages… Ou bien respirer ton odeur harmonieuse, après les relents huileux des gouffres insondables… Reposer mes oreilles du silence assourdissant par l’onde liquide de ta voix rédemptrice… Ou encore sentir la délicatesse de ta peau intangible sous les paumes de mes mains incrédules, après le froid rêche et brûlant des heures solitaires… Enfin goûter les charmes de ton être, suite à l’amertume d’un espace vide…
Je n’en puis plus… Je suis las de ton absence… Pourquoi, mais pourquoi n’es-tu pas là ? »
Ainsi se plaint l’amoureux. Torturé de mille douleurs, recroquevillé autour de sa solitude.
Mais voilà qu’un bruit l’atteint, le perce, le transcende ! Ne serait-ce pas là le pas de l’être désiré ? Ainsi la vie n’est pas morte ? La solitude peut donc se sublimer ? Oui ! Oui ! C’est elle! La voici qui apparaît dans l’embrasure de la porte ! Il lui sourit ; elle lui répond. Le gris s’estompe et les couleurs naissent… La douleur disparaît et l’espace s’emplit de sentiments. Il l’entoure de ses bras, s’en délecte, s’en imbibe enfin, puis plonge dans son regard.
« Tu as bien dormi, mon amour ? »