Voilà c'est dans un style très différent du premier post mais n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Merci!
Ce soir dans tous les journaux, on ne parle que de cela. Gino, le grand Gino s’est éteint dans la pâleur du matin. Il est parti retrouver les étoiles, lui qui savait si bien les décrire.
Il était parti de rien, de même moins que rien. Abandonné de tout au milieu de sa vie, il avait trouvé la rue pour maison, et les foyers comme bouées de secours quand les nuits étaient trop froides. Mais son vrai refuge, c’était les mots et les histoires. Il contait, décrivait, déclamait sans cesse, aux amis de la rue, aux passants qui passaient, aux oiseaux qui piaillaient et à lui-même quand plus personne ne voulait l’écouter. Il faisait la manche pour s’armer de crayons et sacrifiait les soirs d’été les couverture de journaux pour y coucher ses mots. Il ne pouvait se passer d’écrire. Comme il n’avait rien à lire, il se lisait lui-même, puis inventait sans cesse plus d’histoires pour s’évader. D’errances urbaines en insomnies bancales, il plongeait dans l’univers des mots et y trouvait la chaleur dont il avait besoin.
Et puis, une après-midi qu’il récitait, debout sur la margelle de la fontaine des Innocents, quelqu’un avait paru plus intéressé, presque captivé. Il avait alors parlé avec plus d’intensité, fixant effrontément le regard de cet inconnu. Au lieu d’avoir peur, celui-ci avait attendu puis s’était approché et avait proposé. Il était éditeur, il trouvait ses textes beaux, justes, il y croyait.
Alors en quelques mois, avec l’aide d’un éditeur tombé du ciel, Gino était devenu l’Auteur. Les gens s’émouvaient de cette histoire si belle, lisaient ces textes sans en apprécier la saveur mais en versant une larme sur ce destin tragico-onirique.
Gino avait quitté la rue, les foyers, les compagnons et les pigeons. Il avait retrouvé son confort d’avant, un appartement, une douche le matin, un costume et un lit confortables. Plus d’errances dans les rues vides, plus de conversation avec les chats et les fantômes. A la place, des entretiens, des rendez-vous, des interviews, les mots sous d’autres formes. Mais c’était la rue qui l’inspirait. Lâché dans le grand monde, ses pensées s’asséchaient, ses mots s’envolaient. Son corps se nourrissait de nouveau mais son cœur criait famine.
Il n’était pas heureux, Gino. Le monde entier l’adorait, mais lui se morfondait dans sa nouvelle vie. Il retournait parfois errer sans but, mais il ne se sentait plus chez lui. Les pavés, les clochards, les réverbères le regardaient comme un ennemi, pire un traître !
Une nuit, il s’était assis face à la fenêtre et avait tenté d’écrire. Au début, rien ne venait, les mots ne coulaient plus, les idées étaient fanées. Mais petit à petit, son âme à sec se réveillait. Il posait une rime, tournait une phrase. Et plus il écrivait, plus il sentait la mort se glisser sous sa peau. Des lignes, des lignes, comme avant, pures et belles, issues de ses peines et de ses émerveillements…son corps se refroidissait, son cœur s’emballait. Au matin, il avait achevé son dernier poème. Puis était parti.
Le grand Gino était mort, heureux.