Un filament. Argenté. Il glisse. Il ondule, rapidement, fermement, sans vraiment savoir où aller. Dans ce noir total, il est lui-même sa seule source de lumière. Il peut survivre. Longtemps. Car il se suffit, pour peu qu’on lui offre seulement un peu d’oxygène. Et il court sur cette surface lisse, obscure, la quitte, en percute une autre. Que cet espace est grand ! Mais il n’est pas vide. Pas très loin, un filament identique, ou peut-être un peu plus long, fait lui aussi route. Comme attirés, les deux fibres vont à la rencontre l’une de l’autre. Elles s’évitent, se rapprochent, se tournent autour. Comme deux animaux sur le point de s’unir. Puis enfin, le bout de l’une rencontre le bout de l’autre. Ils ont la même couleur, mais pourtant, même assemblés, on peut distinguer ces deux différents tissus. Ne demandez pas pourquoi, ni comment, c’est un fait. On saura toujours lequel est lequel. Et leur danse reste identique ; ensemble, ils ondulent, glissent avec grâce, se tracent un chemin parmi les ténèbres. Puis ils rencontrent un nouveau filament, argenté lui aussi, les imitant : un semblable. Une nouvelle union. Puis une autre, et encore une, et une autre aussi… à n’en plus finir, le long serpent croise de nouveaux filaments avec lesquels il se lie. Alors le serpent s’allonge, s’allonge !
La tête tourne. Veut-elle entraîner la formation d’un cercle ? Visiblement. Une forme arrondie se dessine. Puis une plus petite, à l’intérieur de la première. Ensuite une autre, encore plus petite, qui prend place à l’intérieur de la seconde. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que les filaments soient tous arrondis, les uns près des autres, en formant une spirale, et ils tournent, ils tournent, ils tourbillonnent sans arrêt, ils pivotent et pirouettent, toujours dans le même sens, accélérant, ne pas perdre le rythme, ils tournent, mais où est la tête, et ils tournent, ils ne s’entrechoqueront pas, et ils tournent tournent tournent..!
Stop. Je secoue la tête. Je vois encore une spirale. Enorme. Elle était grise. Ou peut-être dorée ? Il fait encore nuit. Et pourtant… pourtant, encore une fois, je me suis réveillée. En sursaut, comme toujours. En sueur, comme toujours. Et en ayant mal à la tête, comme toujours. Trop de soucis, trop de tracas, trop d’idées qui se mêlent et trottent dans mon crâne à l’infini. Un seul ennui, c’est supportable. Mais comment faire lorsqu’ils s’accumulent, qu’ils se rencontrent, et décident de me donner la nausée avec leur danse macabre ? Je sais alors que c’est le moment. La spirale doit se dérouler, petit à petit. Un à un, les filaments doivent se décrocher, puis reprendre leur chemin chacun de leur côté ; pourquoi pas disparaître, avalés par l’espoir, croqués par le désir, aspirés par la vie ?
Il fut un temps où les souvenirs faisaient sourire…