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 Les aventures de Sparadrap-Jo - 3

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Vincent C
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Vincent C


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MessageSujet: Les aventures de Sparadrap-Jo - 3   Les aventures de Sparadrap-Jo - 3 EmptyMer 18 Mar à 2:04

Des fois, je me demande pourquoi je n’ai pas accepté ce job à l’hôpital. La vie ne fait aucun cadeau à ceux qui partent de zéro. Trouver un boulot alors qu’on n’a pas de domicile, pas de compte en banque, et qu’on n’a pas pris de douche depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, relève du miracle. Dans cette situation, je ne pense qu’à survivre, me protéger de la faim et du froid. Je dors aussi beaucoup, dès que je peux. J’ai beaucoup souffert au début, pas d’aspirine pour calmer les mots de tête ou d’aspirine pour soigner la toux. Une petite infection devient tout de suite une source d’inquiétude, et puis au bout d’un certain temps j’ai regardé mon corps comme j’aurais regardé une vieille voiture laissée à l’abandon. Les plaies qui ne cicatrisent pas à cause de la fatigue, les bêtes qui sucent le sang, les démangeaisons qui auraient disparu si seulement j’avais pu me doucher, tout ça a très vite fait partie de mon quotidien, Les seuls moments de bonheur, c’est quand je peux enfin dormir.
Le problème, c’est l’absence d’intimité. Trouver un endroit isolé, c’est prendre le risque de se faire agresser. Je n’ai pas grand-chose mais chez les sans abri, une paire de chaussures, c’est précieux ; pas question de les retirer au risque de se les faire voler. Les seuls moments où je peux me mettre à l’aise, c’est quand il y a beaucoup de monde, dans les coins les plus passants. Là, je retire mes chaussures, je les cale sous ma tête, et je peux un peu dormir, protégé par la foule tout en sachant que si quelqu’un venait à m’agresser personne ne réagirait. Il y a des filles qui se font violer devant des dizaines de témoins impassibles, alors pensez bien qu’un vagabond qui se prend un coup de couteau, ça ne va pas susciter des vocations de justicier.
Je n’attends rien des passants. J’ai vu beaucoup de regards se poser sur moi, c’est l’avantage, je n’ai que ça à faire, regarder les passants qui me regardent.
Il y a les méprisants, partis de rien ou presque, ils se prennent pour des petits bourgeois parce qu’ils sont capables de payer leur loyer dans un HLM minable. Leur problème, c’est que comme ils s’en sont sortis ils sont incapables de comprendre que les autres ne s’en sortent pas. Dans leur petite vie qui ne comporte aucune réussite, ils ne tolèrent pas l’échec.
« Tu vaux mieux qu’eux. Ils ont réussi à s’assurer une petite vie minable mais n’auront jamais mieux. Toi tu es capable de faire beaucoup mieux »
Il y a les hostiles, les teigneux, toujours sur la défensive, ceux qui vivent dans la peur. Peur de se faire agresser par un type qui n’a rien à perdre et qui serait, d’après eux, mieux en cellule que dehors ; peur aussi, de se retrouver un jour à ma place. En me voyant, ils réalisent que leur vie n’a pas plus de valeur que leur voiture et que leur pavillon de banlieue, s’ils perdaient tout ils seraient comme moi, on est presque à égalité, et c’est ça qui les dégoute.
« Ceux-là ont bien réussi mais ne sont même pas capables d’apprécier leur situation. Ça leur ferait du bien d’être un peu à ta place, mais même là ça n’est pas sûr qu’ils comprennent, de toutes façons ils ne pensent qu’au fric »
Et enfin il y a les complices, ceux qui amènent un pain au chocolat ou proposent une cigarette – ils ne donnent pas d’argent car quand on donne de l’argent aux pauvres, ils le boivent. Ils sont sympas ceux-là mais souvent, j’ai la désagréable impression qu’ils aimeraient être à ma place.
« Et ils auraient raison, ils savent que tu as fait le bon choix »

***

C’est surtout au début que ça a été difficile. Maintenant j’ai pris mes habitudes. J’ai trouvé un abri où je peux dormir et qui se situe, comble de l’ironie, dans l’un des quartiers les plus branchés de Paris. C’est sûr que ça n’est pas le grand luxe, mais au moins, j’y suis tranquille. Maintenant, j’ai du mal à comprendre pourquoi il faudrait que je travaille huit heures par jour ou que je m’endette sur plusieurs dizaines d’années, voire les deux en même temps, pour m’assurer de pouvoir dormir sous un toit alors qu’il existe plein d’autres endroits dans lesquels il m’est facile de m’installer pour rien. Je ne parle pas des maisons inoccupées, ça serait du squat, mais d’autres lieux où je peux vivre et qui ne demandent qu’à être occupés. J’ai des amis qui vivent dans les catacombes, d’autres qui s’installent dans les trains désaffectés, certains encore occupent des établissements publics laissés à l’abandon, parfois dans les caves ou les greniers de ces bâtiments. Moi, j’ai décidé de vivre dans un endroit plus calme. Après avoir erré dans le métro, dans les halls d’immeuble, et dans les cabines téléphoniques, j’ai finalement eu besoin d’un peu de calme et de tranquillité. J’ai maintenant trouvé un emplacement idéal en plein cœur de Paris.
Il parait que les déménagements sont souvent source de stress, c’est aussi le cas pour les gens comme nous. Quand on dort dehors depuis longtemps, rentrer dans un cimetière pendant les heures de visite relève de l’exploit, c’est d’ailleurs le cas pour la plupart des lieux publics. Si l’on y rentre on est aussitôt suivi par une escouade de vigiles qui sont là pour nous empêcher de piquer tout ce qui traine (stylos, tableaux, tapis, que sais-je encore). C’est d’autant plus ridicule que s’ils connaissaient nos abris, s’ils y étaient passés ne serait-ce qu’une seule foi, ils se douteraient bien que tout ce qu’on peut trouver dans une préfecture ou un hôpital ne nous est d’aucune utilité. Ce ne sont pas les chômeurs qui volent les stylos de l’ANPE, mais les employés.
J’ai donc du laissé mon sac, et toutes mes possessions terrestres, sans surveillance, le temps de visiter le cimetière dans lequel je comptais m’installer, juste pour pouvoir y rentrer. Ça n’a l’air de rien mais cela reviendrait à laisser la porte de chez vous ouverte quand vous sortez pour chercher un nouvel appartement. Ensuite, je suis rentré et, comme un visiteur normal, et j’ai recherché le tombeau où je pouvais m’installer et je l’ai cadenassé. Après une semaine pendant laquelle j’ai continué à vivre dans la rue, je suis repassé au cimetière et j’ai vu que mon cadenas était encore en place ; je pouvais m’installer.
Maintenant, j’ai ma résidence principale. Bien sur il y a quelques contraintes, je dois faire le mur, heureusement pas trop haut, tous les soirs après la fermeture et tous les matins avant l’ouverture. C’est en fait une bonne chose, ça m’évite de passer trop de temps à dormir. Comme il m’est difficile de faire la différence entre les jours de semaine et les weekends, je me lève toujours très tôt le matin pour m’en aller sans croiser personne. J’ai choisi un caveau pas trop loin du mur d’enceinte pour ne pas avoir à traverser le cimetière à chaque fois, mes chances de me retrouver face d’un gardien sont donc modiques. Pour faire le mur, j’ai repéré un endroit calme qui débouche sur une rue peu passante. Je passe par un bloc résidentiel que les parisiens appellent une villa. Personnellement, j’ai toujours imaginé les villas comme des endroits spacieux où vivent des familles aisées, alors que sur Paris ce sont des endroits exigus où les gens s’entassent ; le cadastre serait-il une administration capable d’ironie ? J’en doute, il doit y avoir une autre raison. Peut-être qu’il y a longtemps ces villas étaient des endroits spacieux jusqu’à ce que les propriétaires se soient rendu compte qu’il était plus rentable de les louer ou de les revendre en petits morceaux. Ça me semble être l’explication la plus logique.

***

Je vis donc dans un cimetière, ou plutôt j’y dors. S’il n’y avait le stress de se faire chasser du jour au lendemain, je pense que j’y serais bien. Et encore cette possibilité me semble de moins en moins probable. Quel intérêt la société aurait-elle à me mettre à la rue ? Il n’y a dans ma démarche aucune notion de blasphème ou de profanation, c’est juste qu’en tant que vivant, je pense avoir au moins le même droit au repos que la plupart des morts, et ici au moins je ne dérange personne.
En fait, je me sens particulièrement bien dans ce coin abandonné des vivants, j’ai l’impression de m’être débarrasser de tout un tas de choses trop lourdes à porter. Je me protège du froid avec des cartons et une vieille couverture. Je n’ai plus à me faire de soucis pour trouver un travail. Lorsque je croise une fille dans la rue, je ne me demande pas si je lui plais ou non, et je ne cherche pas à la séduire. Pour la nourriture, je vais filer un coup de main sur les marchés et récupère en échanges quelques invendus. Je peux même continuer à faire du sport. Il y a un parc pas loin où est aménagé un « parcours naturel » et où je peux courir et faire les exercices à volonté. En fait, j’ai la vie dont beaucoup de gens rêvent, avec les soucis en moins.
« Et tu eux faire mieux que ça, ta destinée est grandiose »
Le regard des autres ne me gêne plus, il m’arrive même parfois de les plaindre. Ils vivent dans le domaine de la lutte, moi j’ai cessé de lutter et je me porte mieux qu’eux. J’ai une tendresse toute particulière pour certains hommes que je croise et que je vois mendier un peu de tendresse à leur compagne. S’ils savaient. S’ils savaient comme on est bien lorsque l’on a cessé de jouer et que l’on a décidé de vivre.
« Tu n’as besoin de personne, tu es l’infini »

***

Parc des Buttes-Chaumont – 7 heure du matin

J’aime bien courir le matin. Bien sûr, je serais plus à l’aise dans des vraies chaussures de sport.
« Pas grave, c’est l’homme qui compte, pas le matériel »
J’en suis à mon deuxième tour, le rythme est bon, je vais peut-être en faire un troisième avant de m’étirer. C’est l’avantage maintenant que j’ai un endroit pour entreposer mes affaires, je peux à nouveau faire du sport. Je sais que la plupart des gens se disent « pourquoi est-ce qu’il ne se bouge pas un peu ? » quand ils voient un pauvre type qui a passé la nuit dehors. Et bien la réponse est simple : quand on a passé une nuit sans dormir et qu’on a dix kilos sur le dos, on n’a pas envie de bouger. J’aurai bien aimé continuer à courir et à m’entretenir pendant toute ma période S.D.F. mais je ne pouvais pas laisser mes affaires sans surveillance.
Une branche d’arbre juste à la bonne hauteur, c’est le moment de faire quelques tractions. Une dizaine, ça fait longtemps mais je n’ai pas pris de poids dernièrement, ça devrait passer.
1
« Tu es le plus fort »
2
« Tu es un tigre »
3
« Tu es chaque jour un peu plus puissant »
4
« Tu es un guerrier »
5
« Rien n’a d’emprise sur toi »
6
« Tu es un roi »
7
« Le monde t’appartient »
8
« Tu es indestructible »
9
« Tu es immortel »
10
« Tu es le monde »

Fin de la séance, je m’étire un peu et ensuite j’irai chercher à manger. Il y a quand même une chose qui me tracasse, il m’arrive d’entendre des voix. Rien de bien précis, je ne comprends même pas ce qu’elles me disent. Je ne sais pas si je dois les ignorer ou au contraire tenter de les écouter plus distinctement.
« Ne t’inquiète pas, le résultat sera de toute façon le même »
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