Aujourd’hui, je m’appelle Micaela W.. ce qui n’était pas le cas il y a un peu plus de huit mois. Ma seule différence avec les autres femmes est que j’ai assassiné involontairement mon mari. Vous pouvez être choqué car c’est la plus stricte vérité. Je l’ai tué. Je suis veuve depuis trois jours et j’ai l’impression de ne plus savoir vivre. Comment vais-je pouvoir élever notre fils tout en sachant que son père est à cause de moi?
J’ai rencontré Marc pour la première fois à Bogota il y a trois ans. Nous étions tous les deux en vacances dans cette magnifique ville. Enfin, je le croyais. Dès qu’il m’aborda, j’eus le coup de foudre. Le reste disparaît de ma vision. Que ce soit les passants ou la rue marchande. Il ressemblait à un ange mystérieux et diablement ténébreux. Ce qu’il était mais je ne pouvais pas encore le savoir. Il m’a dit qu’il m’avait déjà remarqué à l’hôtel où j’étais descendu. Dire que le coup de foudre fut réciproque serait un très doux euphémisme. Nous sommes resté deux semaines là-bas. J’ai vécu au Paradis tout ce temps. Tandis que lui préparait un cadeau spécial pour son client. Par un hasard des plus extraordinaires, nous habitions la même petite bourgade. Une vive et intense passion nous avait soudé l’un à l’autre. Rien ni personne n’aurait pu nous séparer. A part la Mort elle-même. Et c’est ce qu’elle a fait. Nous avions aussi en commun un travail qui nous laissait énormément de temps libre. Je tenais une galerie assez réputée dans le quartier chic. Lui était agent des communications et relations pour une grosse entreprise nationale. Il partait donc régulièrement en voyage pour conquérir de nouveaux clients. Il a trouvé la couverture parfaite. En réalité, son travail consistait à faire disparaître ses « clients ». Vous avez bien lu, inutile de relire. Mon mari était un tueur professionnel. Mais il essayait tout de même de s’occuper de cibles ayant un passé et un présent des moins sympathiques. La plupart de ses victimes furent des trafiquants de drogue, d’armes, d’objets d’art ou de monnaie. Il n’était pas rare non plus de voir un ancien commanditaire devenir une cible. Si quelqu’un m’avait annoncé que je serais mariée à un assassin, je l’aurais traité de fou ou de folle. Il n’aimait pas que j’utilise des mots comme « assassin » et « tueur », il préférait le terme de « nettoyeur de saletés ». Et cette vie cachée n’était pas son seul secret. Comme tout bon « nettoyeur », les témoins ne pouvaient pas vivre si Marc tenait à sa vie. Car un témoin vivant est une possible trahison. Mais Marc ne les a jamais touché. La Mort s’en occupait à sa place. Oui, Marc avait un don mortel: il décelait automatiquement tout traître croisé. Que ce soit dans l’heure qui vienne ou dans dix ans. Une fois le dénonceur localisé, l’ombre de Marc se détachait et se frayait un chemin parmi les autres ombres normales jusqu’à la future victime. Celle-ci mourait toujours de cause naturelle: arrêt du coeur, attaque cérébrale,... Marc m’a expliqué qu’il voyait les futurs traîtres nimbés d’une lueur rouge sang. Malheureusement pour lui, le don ne fonctionnait pas sur les êtres cher à son coeur. Ce qui est quand même un moyen très efficace de reconnaitre que l’on est amoureux puisque les personnes à qui il tenait étaient entourées d’un halo blanchâtre. C’est à cause de cela qu’il m’a abordé. Et par immonde ricochet qu’il est mort.
J’ai découvert son activité peu commune alors qu’il allait exécuter un contrat. Il s’agissait d’un de mes plus grands clients. Je me suis rendue chez Vincent P. Car le dernier tableau qu’il venait d’acquérir chez moi comportait un défaut de cadre que j’avais oublié d’arranger. Arrivée devant sa demeure, j’entendis un homme crier au secours. Sans réellement réfléchir, je me suis précipitée à l’intérieur. C’est en entrant que j’ai remarqué une silhouette ressemblant fortement à Marc. La silhouette abattit alors Vincent. Le corps n’a pas encore touché terre que la silhouette se tourne vers moi. C’était Marc. Je voyais sur son visage qu’il ne savait comment réagir. Nous allions nous mariés dans deux semaines. Et je savais qu’il m’aimait. Il avait donc deux choix: fallait-il m’éliminer moi aussi ou bien tout me raconter? Il aurait mieux valu qu’il appuie sur la gâchette. Cela aurait été plus judicieux. Mais comme on dit, l’amour rends idiot. Je sais que, malgré tout, il n’a jamais regretté son choix. Même après le contrat posé sur moi. Curieusement, j’étais fascinée par ce qu’il me révélait. Je voulait tout savoir. Combien en avait-il tué? Combien de traîtres avaient été démasqués par son don? Sept cent trente-quatre monstres ne font plus de mal grâce à lui. Quant aux autres, Marc n’a pas voulu compter car les victimes étaient tout de même innocentes et que par ailleurs son don était actif vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il est devenu nettoyeur à l’âge de vingt ans. Son père était lui aussi tueur à gages. Il a été trahi par son coéquipier. Marc s’est juré qu’il le vengerai. Ce qu’il a d’ailleurs fait. Pour honorer son père, marc a décidé de suivre les ses traces. Depuis, il a amassé une immense fortune. Le plus comique est que personne ne s’est rendu compte que Marc n’avait plus d’identité. Il est passé maître dans l’art de se faire passer pour quelqu’un d’autre. Pour moi, il restera éternellement l’ange des ténèbres qui m’est apparu à Bogota.
Je me dois maintenant de vous raconter dans quelles circonstances il est mort. Un énième commanditaire venait de se transformer en cible lorsqu’un nouveau contrat tomba de l’enfer. La prochaine victime n’était autre que moi. Le fils de Vincent P. s’était persuadé que j’étais la seule responsable de la mort de son père. Marc en décida autre ment encore une fois. Non seulement il refusa le contrat mais il fit aussi comprendre au jeune homme de ne pas insister. Celui-ci ne voulant rien comprendre, Marc dut le faire taire irrémédiablement. Il savait qu’il venait de sceller son destin. En effet, tous les assassins de la région se lancèrent après nous. Marc avait enfreint deux règles vitales: ne pas se laisser déborder par ses émotions et ne pas se retourner directement contre son commanditaire. C’est à ce même moment que j’appris que j’étais enceinte. Il ne nous restait plus qu’une seule solution: la fuite. Marc nous cacha pendant deux mois. Puis il entrepris de me construire une nouvelle vie. J’héritais aussi de l’intégralité de sa richesse. Il devait nous abandonner afin que sa femme et son fils puissent vivre. Il a donné sa vie pour nous. Je ne sais pas ce qu’il a fait mais j’ai appris sa mort huit mois après son départ. Il a eu un accident de voiture. Avec sa femme. Qui venait d’accoucher. Et moi, je me retrouve avec mon fils né il y a un mois. Ne pas pouvoir aller à son enterrement sous peine de dévoiler le subterfuge me ronge littéralement de chagrin. J’ai quand même pu envoyer une plaque en marbre rose sur laquelle j’ai fait graver ces quelques mots: « Au plus beau nettoyeur de saletés que j’ai connu. »
Aujourd’hui, Jean-Marc a dix-huit ans. Chose incroyable, il a le don de son père. Je m’en suis aperçue alors qu’un des assassins nous avait retrouvé par hasard. Jean-Marc avait juste neuf mois. Nous nous promenions dans le parc quand un homme m’a interpellée. Dès que le regard de l’inconnu s’est posé sur le bébé, une ombre porteuse de mort s’est dirigée discrètement vers cet homme. Depuis, personne ne nous a plus importuné. pour sa majorité, mon fils a le droit de connaitre la vérité sur son père.
Contrairement à ce que je croyais, il ne s’est pas vexé que je lui ai menti pendant des années. Il m’a même surprise en m’annonçant qu’il reprenait la flambeau. Je ne sais toujours pas si je dois être heureuse ou l’enfermer pour son bien. En tout cas, qu’il se méfie du don. L’amour est son point faible. Son point mortel.
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Sujet: Un amour mortel 
